Le portrait
Ancien texte d'un atelier d'écriture que je n'avais pas posté ici je ne sais pas pourquoi alors que je l'aime bien 🤷
La consigne était d'écrire à partir d'une peinture de portrait, bref enjoy
C’était un de ces jardins anglais. Herbes et fleurs sauvages follement entrelacées. Quelques orties, et des fleurs blanches cotonneuses. Des stries d’orange et de rouge dans une mer de vert et de violet, qui rendait au paysage un aspect étranger. Le chien, reposant sur une paire de genoux émaciés vêtus d’une longue jupe blanche laineuse, était aussi une drôle de créature. Pourtant, tout ce qu’il y avait de plus commun. Un collier rouge tranchant sur une fourrure jais et brune. Yeux et truffes noirs, humides. Comme l’étaient souvent les nez chez les chiens. Il semblait fixer quelque chose, une tache plus verte dans le jardin, sans doute une sauterelle ou quelques insectes qui avaient fait domaine de ces hauts champs d’herbes. Assurément, le bleu et le blanc faisaient références au ciel et à ces volutes de nuages comme de la fumée. Il avait plut, ou il pleuvrait. Un chapeau crème cerclé d’un ruban, noir, translucides comme des ailes de papillons, surmontait un chignon dont la couleur monotone ne semblait pas s’égayer au contact de ces couleurs florales. Son chemisier, teinte d’un jour pluvieux, habillé d’une collerette blanche, paraissait pâlir, devant les roses orangés qui peignait les fleurs alentours. Ses mains, aussi précises que celles d’un joueur de musique, étaient toutes occupées. A quel dessein, je ne pouvais le deviner. Sans doute, quelques ouvrages de coutures ou de tissage. Je la saluais alors que je m’approchais, baissant mon chapeau sur ma poitrine, et l’affublant d’un charmant :
« Madame. » Qui ne reçut ni de réponse, ni de réaction. Étonné, je me glissais derrière le siège en osier où elle était assisse, pensant qu’elle devait être toute concentrée à son méticuleux ouvrage. Le chien posé sur ses genoux osseux ne daigna lui-même pas m’adresser un regard. Contournant sa forme voûtée sur le travail, je me présentais devant elle et pâlissais alors, reculant rapidement, devant l’horreur de son visage. Car ce dernier, n’était pas celui d’un homme. En réalité, il n’avait pas de traits, ni d’yeux, de lèvres ou bien même de trous pour la bouche ou quelques narines d’où s’échappait une sifflotante respiration… A tout le moins, la forme devant moi ne paraissait pas même encore en vie, si ce n’était pour les doigts agiles battant le fil et les mouvements dodelinant de sa figure. Celle-ci semblait faite d’un amas bizarres de formes, de couleurs et de lignes organisées dans un désordre flous et qui ne paraissaient pas avoir de limites ni de fin. C’était un puits sans fond et je me savais perdu dès que mes yeux furent posés dessus. Son visage, semblable à une étrange et surréaliste peinture, se dressa vers moi, et sans un bruit, sans un cri, je pu sentir avec horreur mon corps se tendre, se diluer et s’effacer. Devenant à mon tour informel, piégé dans ce jardin, je pris un siège, et m’assis près du sien.
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