[Chroniques de Magnolia] Traces de pattes et de beurre de cacao

 Notes de l’archiviste : Les présentes notes sont extraites d’une série de carnets retrouvés dans la chambre 13. Les pages sont graisseuses, un analyste y a détecté une forte concentration de beurre de cacao et d’encre. Il y a des nombreuses marques dessus, des traces en formes de pattes, et des schémas franchement pas très clairs, généralement annotés « À traduire et à envoyer » à différents postes de police. Ils semblent partagés entre trois enquêteurs, l’un s’appelant Stevie (parfois orthographié Steevie), l’autre John et le dernier Larry. Stevie et John ont l’air d’être les seuls à écrire à l’intérieur. Parfois au stylo, d’autres fois au clavier, sur des feuillets soigneusement insérés dans le carnet. Larry n’y fait que des schémas, ils sont particulièrement complexes et mêmes nos meilleures scientifiques peinent à les interpréter. La sélection de notes qui suivent sont issues de ces carnets.

 

[Cette première note semble avoir été tapée sur une vieille machine à écrire, la feuille a été pliée et placée entre deux pages d’un carnet titré “Magnolia A”]

 

 

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Putain Larry ! Foutue machine à écrire, merde bon, ok, euh

PREMIÈRE ENTRÉE

retranscription de l’arrivée sur les lieux

J’avoue que j’ai un peu freiné des pattes arrières sur le coup, déjà on nous retire notre plus grosse affaire, et c’est pas mérité, je me suis déjà expliqué, j’étais sûr que le gars avait un truc louche et qu’il était mêlé à tout ce bordel. Mais ensuite, on nous envoie dans cette taule enquêter sur un mort qu’à première vue a pas de rapport. Des mois de travail pour finir par faire un cluedo dans un hôtel bizarre putain de merde… Et en plus ce connard de chaton modèle a refusé que je prenne mon flingue, je crois cette fois je serais venu aux dents si y avait pas eu Larry. J’en ai marre de me coltiner tous les bleus sortis d’école qui croient tout savoir sur le métier, et vas-y que “prenez votre temps madame”, “non vous n’êtes accusée de rien” et que ça prend une petite voix mielleuse avec les suspects EST-CE QUE MOI JE RONRONNE ? Y sait rien à la vie, coincé sous un pont effondré, encerclé par l’ennemi, en pleine jungle hongroise, on verra si le gentil flic ronronne encore. Les suspects faut les prendre à la gorge, faut leur faire bouffer l’herbe et recracher et après on parle. Larry aussi est un tranquille, un doux, un gentil, mais je le respecte, ce gars c’est une vraie force de la nature. Et y sait y faire, dès que c’est compliqué, qui faut faire preuve d’adresse ou de diplomatie, même quand je m’engueule avec l’autre con, y sait toujours comment gérer les choses. Je sais pas ce qu’on ferait sans lui, ou ce que je deviendrais. 

En tout cas ce qu’est sûr c’est qui y a bien un truc bizarre ici, pas qu’un même à mon avis. Je sais pas ce qui se trame mais cet endroit est plus louche qu’un piano suspendu à une corde. On s’est pointé tôt, avant le lever du soleil, on arrive toujours de nuit, je préfère, ça fait son petit effet, on dérange les gens, on les bouscule dans leur habitudes. Le sommeil c’est sacré, et moi le sacré je l’emmerde. Ça rend les suspects tendus et après, y a pu qu’à aller les cueillir. Bref, y avait un brouillard, un vrai truc de cimetière, mais le bâtiment avait l’air immense de ce qu’on a pu voir. Un gars nous attendait, un genre de majordome britannique en costume, avec un accent, londonnien ou bien de Birmingham, un truc dans le genre. Il avait l’air tout droit sorti d’une de ces vieilles séries genre madame est servie, enfin je sais pas je l’ai pas vu mais y a l’idée quoi. Un vrai cliché le type. Il s’appelle Hall, et déjà je trouve ça bizarre pour un gars qui tient un hôtel. D’ailleurs apparemment c’est à la fois le proprio et le concierge, c’est pas bien clair si on veut mon avis. Mais c’est même pas le début des trucs les plus bizarres. M. Hall donc, nous a parlé du mort, un type du nom de Georges. Il avait pas trop d’infos sur lui, il a dit qu’ils cherchaient à contacter sa famille pour la dépouille. Il nous a refilé une chambre à l’étage et du côté où ça s’était passé. L’a dit qu’on pouvait interroger le voisinage et jeter un œil à la piaule, mais y veut pas qu’on soit dedans tout seul. Faut que lui ou quelqu’un de l’hôtel nous accompagne. Y a un truc étrange déjà, apparemment on peut pas accéder à l’aile est de l’étage, je sais pas pourquoi. Mais c’est pas tout, il a mis en garde de surtout pas aller dans la cave et puis il nous a sorti que y avait aucun sous-sol. Alors pourquoi nous dire de pas y aller ? L’a dit autre chose d’étrange, il a demandé si on avait un truc appelé un Mac Guffin, l’a dit que fallait prévenir la réception si on avait ce genre de choses. Et apparemment on a pas le droit d’avoir de pudding ? C’est quoi ces règles à la con ?

C’est vraiment étrange, ridicule, et franchement suspect. Peut-être bien que finalement y a quelque chose à tirer de ce cluedo bizarre. Stevie est en train de réfléchir à cette histoire de cave. Y pense que le personnel de l’hôtel est impliqué et que y aurait un rapport. Moi je vais enquêter du côté des résidents, à commencer par la voisine, une femme du nom de Rosie. Comme d’habitude Hall en sait pas grand chose, à se demander ce qu’il sait, ou ce qu’il cache.  

[La note suivante est manuscrite, elle est quelques pages plus loin à l’intérieur du carnet “Magnolia A”, l’écriture est assez serrée, propre et nette]

John me gonfle merde. Il a tout fait pour pas qu’on prenne l’affaire, mais en plus, une fois qu’on l’a acceptée, il a voulu absolument prendre un flingue. Il sait très bien que depuis l’affaire Balto-Mongole il peut plus décider tout seul de ça. Là, ni moi, ni Larry, ne pensaient qu’il fallait emmener cette saloperie de pétoire. Des fois j’ai l’impression qu’il oublie qu’on est trois là-dedans. On a failli perdre notre poste à cause de ses conneries. Il a fait foirer l’enquête la plus complexe de notre carrière en un coup de feu. Et arrivé ici, il a foutu les jetons à des témoins qui avaient des alibis solides et qu’on a facilement pu confirmer. Si bien que même moi, le gentil chaton, n’a pas été capable d’en tirer quoi que ce soit. Larry, heureusement, a eu plus de chance lors des interrogatoires. Je passe tellement de temps et d’énergie derrière le cul de John, que y’a que lui qui avance dans cette purée de pois. Et pour avancer, qu’est-ce qu’il avance, dommage qu’il ne puisse pas avoir une sorte de médaille, parce que de nous trois, pour le moment, il est le seul à avoir un peu de mérite. J’ai hâte que l’autre trou de balle se ressaisisse, parce qu’il va nous falloir trois cerveaux qui fonctionnent pour comprendre ce qui se passe vraiment dans cette baraque.

Cet endroit est vraiment louche, y a quelque chose de pas net dans cet hôtel. Déjà, pour aller dans la salle de bain, on nous a dit qui fallait qu’on frappe à la porte dans une séquence précise (trois coups longs ; un coup court, deux coups longs, un coup court ; un coup court ; un coup long un coup court), et pas autrement. Après faut attendre 5 secondes et puis entrer. Heureusement que John est suffisamment crade pour apprendre à faire ça, sinon j’étais condamné à le faire pour lui, et pour Larry qui est incapable de retenir ce genre de trucs. Mais y a autre chose, y a un truc bizarre avec la cave. Le personnel de l'hôtel ne veut absolument pas qu’on y aille, ils disent même qu'elle n'existe pas. Et j’aime pas ce genre de choses. Aucun de nous trois. On a envoyé Larry en reconnaissance là bas, c’est le seul à avoir la discrétion et l’astuce nécessaire pour ce genre d’infiltration. On lui a dit de ne surtout pas ouvrir la porte, mais de vérifier tout dispositif autour, de verrouillage et aussi de surveillance. Puis de glisser une petite feuille de papier sous la porte, d’attendre, et de la retirer et de voir si y a de la poussière.

C’est le dernier indice qu’on a qui incriminerait directement l’équipe de l’hôtel. Si y en a, c’est que personne n'est passé là dernièrement, et qu’on peut lever les soupçons sur le personnel et Monsieur Hall. De la poussière… La vérité tient parfois sur une très mince ligne. Je me demande bien ce qu’il y a derrière cette porte… Enfin, si le coup a pas été orchestré par Monsieur Hall, l’autre possibilité restante serait un meurtre collectif, impliquant sûrement plusieurs résidents de l’étage 3 et peut-être même une partie de l’équipe de l’hôtel… à moins d’un coup de maître. On a réussi à obtenir une dernière visite de la scène de crime, et aussi de pouvoir superviser le nettoyage de la chambre de la victime pour affiner l’enquête. Larry peut pas retenir toutes les informations, John est trop vexé pour être efficace d’une quelconque manière, et moi je suis trop occupé à faire en sorte qu’il ne transforme pas cette enquête en scène tragicomique par un coup de nerf. J’espère qu’il sera un peu moins con après sa douche.

Merde, Larry est revenu tout amoché, le pauvre, j’ai du lui faire un bandage sur tout le crâne. Il a gribouillé quelque chose rapidement avant de piquer un somme, j’ai cru un instant qu’il était mort.

[Légende schéma numéro 1 : Le premier schéma montre un chat de gouttière entièrement gris, si ce n’est pour sa petite truffe rose, il a l’air de causer avec une femme en larmes, des cheveux courts noirs et un béret bordeaux. 4 vagues rouges sont visibles au-dessus de leur tête, on ignore tout de leur signification. Sur la case suivante le chat a changé, c’est un petit chat noir avec une tache grise sur la gueule, la femme lui tourne dos, le dessin est accompagné d’une étrange inscription hiéroglyphique totalement illisible. Enfin, le dernier dessin montre la femme avec une sorte de rune, en forme de petit cœur rouge, au-dessus de la tête, elle sourit cette fois et le chat est noir, blanc et roux. En bas à droite de l’image, il y a une trace de patte, semblable à celles qu’on peut trouver dans les carnets, avec une inscription disant “Nya”, il est probable que ce soit une sorte de signature.]

[Légende schéma numéro 2 : Le second schéma montre une porte grise avec une spirale bleue se terminant par une longue ligne droite vers le bas et un point de la même couleur en dessous. Cela semble représenter un point d’interrogation, mais rien n’est certain. Il y a quelque chose d’étrange sur la droite, une sorte de colonne ou de rideau ? Sur l’image suivante, une diagonale en pointillée semble pointer vers la poignée de la porte, reliant à son autre extrémité la forme d’un animal, peut-être un chat. Un carré est dessiné sous la porte et à côté les inscriptions “MAW”. Nous n’avons pas réussi à déterminer leur signification. Sur la dernière image enfin, l’on voit à nouveau la porte avec diverses inscriptions que nous n’avons à nouveau pas pu traduire : “Klonk / ktick ktick / CLAK CLAK / Blkonk”. A côté de la porte se trouvent un carré et un rectangle, le premier est semblable à celui de la seconde image, mais le second est brun avec diverses traces grises et noires, les deux sont reliés par ce qui ressemble à une sorte de flèche. En bas à droite de l’image, il y a une trace de patte, semblable à celles qu’on peut trouver dans les carnets, avec une inscription disant “Nya”, il est probable que ce soit une sorte de signature.]

[Légende schéma numéro 3 : Le dernier schéma montre ce qui semble être un piano, suspendu à une corde. Dans la seconde image le chat noir, blanc et roux, que l’on identifie comme le troisième chat dans le premier schéma, se trouve sous le piano. Il y a une inscription à côté disant “OWO”. Enfin, la dernière image montre le chat de nouveau, ses yeux sont barrés et des étranges formes jaunes semblent former une sorte de couronne au-dessus de lui. En bas à droite de l’image, il y a une trace de patte, semblable à celles qu’on peut trouver dans les carnets, avec une inscription disant “Nya”, il est probable que ce soit une sorte de signature.]

(Co-écrit avec Bicheyte, les dessins paint aussi sont d’elle, sauf le dernier)