[Chronique de Magnolia] petite annonce chambre à louer

Note de l’archiviste : L’annonce de la chambre à louer, numéro 14, aile ouest, étage trois, couloir de gauche, au Magnolia Hôtel, a été imprimée sur une feuille blanche de 3 milligrammes d’épaisseur, mesurant 28 centimètres de haut et 15 centimètres de large, dans une encre bleue nuit en taille 11. 10 petites bandes semblant indiquer un numéro de téléphone d’une ligne fixe sont alignées dans une rangée en haut de la feuille, les trois premières sont manquantes, il n’y a rien sur les 7 autres. On ignore s’il y avait quelque chose sur les trois premières. L’annonce en elle-même ressemble plus à l’inventaire d’un vide-grenier et à une dépression qu’à la description d’une chambre à louer.  



Petite annonce chambre à louer, numéro 14, aile ouest, étage trois, couloir de gauche, Magnolia Hôtel


Une pièce, rectangulaire, d’environ 20 mètres carrés. Jolie exposition à la lumière en fin de journée. Une fenêtre avec des rideaux en persiennes, parfaite pour fumer après le crépuscule en songeant que le monde touche sûrement à sa fin. La tranquillité est assurée, idéal pour les personnes perdues qui ne savent pas où se trouve leur place dans le grand ordre de l’univers et ont arrêté de chercher. La peinture a été refaite récemment, dans un gris très légèrement bleu. Le mobilier de la chambre comprend : des cauchemars, des doutes ; une petite table de chevet en bois sombre avec une lampe vintage ; une armoire comptant en tout cinq cintres, dont trois sur lesquels les vêtements ne tiendront pas et n’arrêteront pas de tomber, de façon inexplicable et il faut bien l'avouer, légèrement agaçante ; deux tiroirs dont un cassé, trois étagères, personne ne sait quoi mettre sur celle du bas, entreposez-y vos chaussures et vos valises ! Un lieu de vie avec un petit bureau dans l’angle comportant assez d’espace pour entreposer de la décoration, des dossiers et des tas de feuilles à l’écriture totalement illisibles, des carnets de notes, des croquis, un pot en métal comportant deux stylos, un noir et un bleu, un surligneur, sans doute vert, une paire de ciseaux pour gaucher, une gomme qui a signalé ne plus désirer effacer les traces du passé, une agrafeuse, un jeu de trombones, un seul crayon de couleur et deux crayons à papier, l’un en HB et l’autre dont vous ne savez pas vraiment quoi faire ; l’impression que vous manquez de place ; une petite corbeille à papier qui semble toujours remplie ; un siège à roulette noir au dossier troué, une des roulettes est grippée mais on a pas vraiment réussi à identifier laquelle ; un petit guéridon où personne ne sait vraiment quoi mettre, on finit généralement par y exposer une décoration inexplicablement moche, et deux chaises, pour se sentir seul ; une peinture incompréhensible au mur semblant représenter une inquiétante tache munie d’yeux qui vous regardent sans cesse et une autre peinture avec trois chevaux dans un décor champêtre par une chaude journée d’été ; à côté de l’espace de vie se trouve un espace de mort avec un lit deux places, idéal pour se laisser envahir par la solitude et se sentir traversé par des pensées profondes aux alentours de 3h37 du matin ; du vide et un vieil éclairage halogène qui clignote de temps en temps ; un profond sentiment d’angoisse quand vous ne pouvez pas dormir ; des oreillers et des couvertures moelleuses, tant mieux, la peur profonde de la mort qui nous saisit la nuit semble moins grave quand on dort dans un endroit confortable et rassurant ; une photographie d’une personne que vous ne connaissez pas et dont vous ne penserez jamais à remplacer la photo dans le cadre, parce que même si son visage vous fait peur, la photo semble exercer sur vous une fascination et une curiosité préoccupante ; bientôt vous penserez que ce visage inconnu est un membre de votre famille que vous avez oublié, sa pensée vous rassurera au milieu de la nuit quand vous allumerez la lumière, convaincu que quelque chose ou quelqu’un se trouve juste là dans le couloir, derrière votre porte et totalement immobile ; vous vous demanderez si vous avez fermé la porte à clé, peut-être que oui, de toute façon, est-ce que vous iriez vérifier ? Je ne pense pas. Près de l’entrée et du coté gauche se trouve un renfoncement avec une porte possédant un verrou menant à la salle de bain ; elle dispose d’une baignoire de porcelaine blanche légèrement jaunie, d’une petite vasque et d’un toilette ; la tuyauterie est souvent capricieuse et il arrive de retrouver des méduses dans l’évier, la baignoire ou la cuvette des toilettes ; il y a un porte serviette, les serviettes fournies par l’hôtel sont généralement jaunes ; le sol et les murs sont carrelés, ce qui après coup est quelque peu angoissant et légèrement froid pour les pieds en hiver.

Idéal pour personne seule et isolée, en fuite ou ayant des choses à cacher. Prix raisonnable, possibilité de payer en plusieurs fois ou de ne pas payer du tout en prétendant que vous pourrez payer dès le mois prochain.  


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