Hilda et la Mort (5 mots : Lampe, cheval, montagne, oiseau, rivière)
Il se racontait dans un village du sud des montagnes, que plusieurs pêcheurs et chasseurs auraient rencontré en plusieurs occasions quelque chose de tout à fait exceptionnel. Nul ne les croyait alentours, les faubourgs des grandes villes prenaient les petites gens du pied des monts pour des paysans qui abusaient trop de l’alcool bon marché. Quant aux nantis, ils ne prêtaient guère attention aux rumeurs aux sujets des petits villages, si ce n’était dans des histoires contées par leur bouffons pour offrir un divertissement agréable d’aventures rocambolesques et parfois étranges. Les paysans n’étaient qu’une manne ouvrière pour la famille royale et nombre des aristocrates enfermés entre les hauts murs de la grande ville. Mais pour les habitants du village, ces histoires étaient loin de ces rumeurs de tavernes crasseuses telles qu’elles étaient décrites par ceux qui ne vivaient pas près des montagnes. Ce n’était ni légendes, ni histoires à endormir les jeunes enfants innocents, ce n’était pas des fariboles ou autres farces et numéro de clown, mais l’évocation de quelque chose qui hantait réellement ces monts.
Tous ceux qui étaient nés, avaient grandi, vécus et étaient morts ici, avaient une histoire étrange à raconter au sujet des montagnes et des vals qui perçaient la région comme des trous à travers de vieux vêtements de laine. Ce n’était pas là une exagération ou une formule d’esprit, car dans les montagnes, il n’était pas rare de croiser les morts. Ils faisaient souvent des bouts de voyage avec une personne connue, une descendance, un frère ou un fils. Ils contaient quelques unes de leurs aventures de l’époque où la chair vive couvrait encore leur os et où ils n’étaient pas qu’éther. Les fantômes, inoffensifs, du village n’étaient rien comparés à quelques autres figures bien vivantes. Quoique le doute figurait sur certaines d’entre elles. Peu de gens pouvaient parler de leur confrontation avec ces étranges vieilles dames qui lavaient le linge au bord des rivières la nuit, ou de ces formes spectrales que l’ont voyait errer parfois, éclairés par la flamme toujours mourantes d’une vieille lampe à huile. Les chasseurs parlaient d’oiseaux en feu, gigantesques, traversant des monts de gels, de géants de pierre et des trolls que l’ont pouvait apercevoir prêt des grottes les plus reculées. Toutes n’étaient pas hostiles, si bien des chasseurs avaient cherché à dompter l’oiseau de feu, il n’était pas du genre à prendre maître mais il n’avait jamais cherché à blesser l’un d’eux. Il était d’une nature protectrice mais guère agressive, au contraire des trolls bien plus belliqueux. Les géants étaient différents, ni vraiment l’un ni vraiment l’autre, ils étaient surtout très territoriaux. Avec le temps une relation de voisinage cordiale semblait s’être installée entre les hommes de la vallée et ces étranges monuments de pierre vivante. Ils échangeaient des biens et des savoirs, commerçants et se rencontrant parfois dans la montagne.
Si les chasseurs avaient eu leur lot d’étrangetés, les pêcheurs n’étaient pas en reste. Il vivait dans les lacs, les rivières et les marais toutes sortes de créatures inquiétantes. Plusieurs avaient été absolument terrifiés par des corps d’hommes, sentant la chair de poissons et la pourriture, qui avaient rampé hors des eaux, cherchant à attraper leur cheville pour les tirer dans le fleuve. Ils avaient vu aussi remonter juste sous la surface, d’étranges poissons magiques, tout vêtus d’or, ils savaient mieux que d’essayer de les pêcher. Tout le monde savait, sans vraiment en connaître la raison, que tuer un poisson d’or n’apportait que du malheur, alors que les apercevoir près de la rive était considéré comme un bon présage. Beaucoup encore avaient fait la rencontre d’ondines malicieuses, des sortes de fées de l’eau, qui appréciaient leur jouer des tours. Elles ne faisaient souvent que voler ou transmuter leur matériel, une canne à pêche se changeant soudainement en balais et leur appâts en cageot de pommes. Elles leur disaient ensuite de retourner auprès de leur femme et de les aider au ménage et de porter les pommes au village de la vallée. Ils étaient bien heureux de ne pas vivre au bord de la mer et de ne pêcher qu’en eaux douces. Aux vues de leur divers rencontres, ils étaient bien prêt à croire aux histoires de sirènes qui attiraient les marins pour les noyer au fond de l’eau, là bas dans l’océan lointain. Cependant, la plus étrange rencontre qu’un pêcheur fit, fut avec un cheval. Cela au premier abord ne paraît pas tant étrange. Mais les évènements et certains éléments de la rencontre et caractéristiques de l’animal classèrent ce récit au rang de quasi légende.
Hilda était une jeune fille à l’époque, c’était il y a quelques dizaines d’années. Âgée d’à peu près 20 ans, forte et fière, elle avait toujours souhaité vivre de la montagne, et semblait y être attirée plus que n’importe qui dans la vallée. Elle avait choisi en conséquence de s’essayer à plusieurs métiers d’aventures : la chasse, la pêche, la récolte de matériaux, la cartographie, le commerce avec les géants des sommets glacés ou le répertoire des différentes créatures vivant dans les monts ou à leur pied. Ne pouvant se décider d’un seul, elle changeait régulièrement, cherchant celui qui lui conviendrait le mieux. Chacun au village avait son avis : Hilda était une femme, elle ferait une excellent diplomate, non, elle savait manier les armes et était emplie de courage elle serait meilleure à la chasse, sa curiosité pour les créatures de la région en ferait une parfaite érudite du sujet, enfin, fille de pêcheur, elle savait tout à fait manier les techniques et les outils de pêche, ayant été enseignée à cet ouvrage par son père. Pendant que les hommes de la vallée tergiversaient et débattaient des meilleurs tâches à confier à Hilda, la jeune fille prêtant en réalité peu d’attention à ces avis la concernant, menait comme bon lui semblait ses aventures.
Ce fut au cours de l’une d’entre elles que ces évènements, précédant sa disparition, eurent lieu. Hilda passait ce jour-là une après-midi tranquille à pêcher, lorsque du fond du fleuve s’extirpa la forme d’un cheval osseux, au pelage et aux yeux de jais noir. C’était comme s’il avait fendu la mer en deux, comme si ce n’était plus un simple lit de rivière, mais un gigantesque océan nébuleux ouvert sur un autre monde. Il avait des branchies sur les côtés de sa tête et des nageoires le long de son corps, ses sabots imposants se terminaient par des palmes épaisses qui se repliaient légèrement au contact de la rive. Donnant l’impression qu’il portait comme de grandes chaussures. Il aurait été terrifiant à n’importe qui, mais Hilda avait été forgée par la bravoure. Devant le corps étrange et difforme, lui évoquant quelques esprits nocturnes de la mort, elle n’éprouva qu’une simple curiosité. Elle s’assit à ses pieds, non loin, et l’observa un moment, puis, offrit l’un des poissons encore tout frais de sa pêche. Le cheval apprécia l’offrande et s’allongea à son côté, offrant son flanc. Elle grimpa sa croupe, prenant place à son encolure et à nouveau ils disparurent à travers les eaux.
Lorsque Hilda ne revint pas au bout de la première nuit personne n’était trop inquiet, connaissant sa capacité à évoluer facilement à travers la montagne. On envoya au matin quelques chasseurs à sa recherche et ils trouvèrent son matériel de pêche au bord du fleuve. Ils revinrent avec celui-ci et la nouvelle de sa disparition au village. Ils continuèrent de chercher et au fil des jours ne pouvant trouver aucun signe d’elle, ils décrétèrent qu’elle était disparue. Maintes fois, des membres de sa famille, son vieux père, ses frères et sœurs puis leur enfants, arpentèrent les chemins de montagnes à la recherche de son corps errant son vie. Mais ils ne la trouvèrent jamais et ne purent vraiment savoir ce qui était arrivé à leur parente. Bien des années plus tard, alors qu’un vieillard parlait à son jeune fils sur le retour d’un long voyage sur le territoire des géants, il lui conta l’histoire de son trépas. Il s’était attardé trop longtemps après la nuit, étourdi par une rude journée, il avait baissé sa garde et s’était trouvé attiré au bord de l’eau par une vieille femme lavant son linge. Avant qu’il n’ait pu se rendre compte de la mortelle créature, elle le plongea dans les flots et il fut mort noyé. Lorsqu’il s’éveilla à nouveau, la vie disparue de son corps mais son esprit accroché au monde des vivants comme un insecte sur une toile, il fut tiré de l’eau par un cheval monté par une grande et étrange femme. Porté sur son dos, le cheval le ramena à la terre ferme. Plus tard, d’autres morts parlèrent de cette étrange cavalière et de son cheval osseux, portant de grands sabots et des nageoires sur son dos. Avec le temps, l’on considéra Hilda et sa monture comme une incarnation de la mort, une vision amicale qui venait à votre rencontre, lorsque vous passiez de la vie au trépas.
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