En réponse à la tribune du Monde en soutien à Bastien Vivès : Manifeste Invisible
TW : VSS, pédocriminalité, maltraitances infantiles, sexisme, tentative de suicide, violences médicales, violences psychiatriques
Je n’ai pas de tribune.
Je ne produis pas d’articles dans de grands médias, je ne suis pas diffusé dans des émissions à large antenne, je ne suis pas invité à des festivals, je ne suis pas récompensé pour mon travail, je n’ai pas paru de livre, réalisé de film, pas fait de une de magasine, je n’ai pas été ou suis actuellement membre d’un gouvernement, tête de fil d’un parti politique, je n’ai pas d’argent ni de prestige social.
Mon premier défaut à été de naître dans une société foncièrement inégalitaire où le pouvoir seul fait loi et où la moral est une monnaie comme une autre que l’on donne ou que l’on s’octroie, où comme pour beaucoup de choses, l’opinion compte plus que la réalité ou les faits. Le second, d’être né dans la mauvaise classe, celle du bétail qui ne sortira jamais de l’enclos, sinon pour mourir après une vie à produire. Enfin, le troisième, d’avoir été à ma naissance et d’après l’apparence de mon entre-jambe aux premiers instants de ma vie, rangé dans le mauvais genre social. Celui qu’on dresse à l’obéissance, qu’on façonne à la beauté, qu’on prépare à la reproduction. Celui des sacrifiées, aux boulots ingrats, aux taches ménagères, au travail sexuel gratuit, à enlever son propre pain pour le donner au petit garçon, au frère, au mari, au vieillard. Celui des effacées, des oubliées, des oppressées. Je n’ai pas vécu une vie de femme comme les autres, mais comme beaucoup, on a loué ma beauté avant que j’ai 10 ans, jeté dans des robes et des vêtements qui grattaient, serraient, piquaient, l’on a valorisé les regards sur mon corps, l’ont m’a dit de sourire, de ne pas me plaindre, de ne pas parler. De ne pas bouger, de ne pas pleurer.
J’ai eu mes premiers rapports forcés avant de pouvoir créer des souvenirs de mon premier dessin animé préféré (Tic et Tac d’après ce qu’on m’a dit). J’ai grandi statistiquement comme n’importe quelle fille ou presque, de rapports forcés en rapports forcés, d’un parent, un ami, un amant. De robes en fard à paupière, de permission de 22h en whisky coca, de remarques désobligeantes sur mon poids en série télé américaine, d’injonction à être une parfaite petite femme en gifle quand je donnais les mauvaises réponses.
J’ai cédé, plusieurs fois, j’ai écrit des lettres, jeté mes petits secrets au visage de mes harceleurs réclamants des explications pour un problème qu’ils avaient défini comme en étant un, ne pas être assez normal. J’ai cédé, dans le bureau du CPE et devant les flics au commissariat. J’ai cédé, j’ai fais encore et encore tout ce qu’on me disait de faire, pris les médicaments qu’on me demandait de prendre, bu l’alcool qui fallait boire pour supporter chaque fois, chaque soir, chaque nuit, chaque viol. J’ai cédé et j’ai fermé ma gueule quand on m’a dit que si je n’aimais pas je n'étais pas normal, qu'il fallait que je me force à aimer, que si ça n’allait pas je pouvais retourner en HP. J’ai cédé et je n’ai pas dis pourquoi je ne pouvais pas dormir. J’ai cédé, jusqu’à que je mette des fringues dans une voiture et parcours 500 kilomètres sans m’arrêter. J’ai cédé, j’ai avalé autant de médicaments que je le pouvais.
A quelques détails près. Je ne me suis pas reconnu dans le miroir, je ne me suis pas reconnu dans mon corps, je ne me suis pas reconnu dans mon nom, je ne me suis pas reconnu dans mes vêtements, je n’ai pas aimé que l’on refuse de couper mes cheveux plus courts, je n’ai pas aimé ne pas être le seul garçon de ce cours de danse, ne pas être le garçon, ne pas être un garçon. Je ne suis pas une femme. Mais le sexisme, le patriarcat, la culture du viol, l’exception culturelle française qui veut qu’on récompense des pédocriminels et qu’on nomme des violeurs au gouvernement, sont pour beaucoup dans les cachets de valium avalés à la suite, dans le harcèlement scolaire que j’ai subi pendant toute ma scolarité, dans mes traumas, dans les violences médicales et psychiatriques que j’ai subi, dans mes handicaps psychiques comme physiques, dans l’estime que j’ai de moi, dans ma vision déformée de moi-même (pas celle d’être un garçon, celle d’être un objet), dans le fait que je ne puisse pas travailler, le fait que je vive sous le seuil de pauvreté, le fait que je n’ai l’énergie de quasiment rien dans une journée, le fait que chaque jour représente un défi pour seulement vivre.
Je n’ai pas de tribune.
Je ne produis pas d’article dans un grand média, je parle seulement sur twitter et parfois sur un blog obscur. Je ne suis pas diffusé dans des émissions à large antenne, j’ai une petite chaine twitch et peu d’énergie pour faire mieux. Je ne suis pas invité à des festivals, je ne suis pas récompensé pour mon travail, je n’ai pas paru de livre, je n’ai pas réalisé de film, pas fait de une de magazine, bien que j’ai terminé des histoires et que certaines sont lues, bien que je m’efforce de produire un contenu militant sur divers sujets avec le peu de moyens dont je dispose, bien que j’ai réalisé des choses même si elles n’ont pas été vu, bien que j’ai voulu faire des choses et que je n’ai été ni aidé ni soutenu. Je n’ai pas été ou suis actuellement membre d’un gouvernement, tête de fil d’un parti politique, je n’ai pas d’argent ni de prestige social, j’ai fais l’erreur, de ne pas naître dans la bonne classe, d’être assigné femme à la naissance, d'être précaire et handicapé.
Des personnes qui soutiennent la pédocriminalité, qui soutiennent des agresseurs sexuels, qui soutiennent des meurtriers, ont champ libre pour exprimer ce soutien dans les grands médias. Des agresseurs, des violeurs, des pédocriminels sont réalisateurs, acteurs, artistes, youtubeurs et steamers à succès, chef de fil de partis politiques et ministres. Valorisés, écoutés, visibilisés dans la société, détenant du pouvoir, du prestige et des ressources pour combler absolument tous leur besoins.
Nous avons été violé.es, oublié.es, assassiné.es, effacé.es.
Nous ne produisons pas d’articles dans de grands médias, nous ne sommes pas diffusés dans des émissions à large antenne, nous ne sommes pas invités à des festivals, nous ne sommes pas récompensés pour notre travail, nous n’avons pas paru de livre, réalisé de film, pas fait de une de magasine, nous n’avons pas été ou sommes actuellement membre d’un gouvernement, tête de fil d’un parti politique, nous n’avons pas d’argent ni de prestige social.
Et nous n’avons pas de tribune.
Cal, manifeste invisible
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